10 novembre 2004

à propos de bière et de hauts-fourneaux

Mon boulot sur les fonderies de canons m'a amené à m'intéresser un peu aux évolutions des industries anglaises au XVIIIe siècle -- vu que techniques, idées et gens voyagent allègrement d'un côté à l'autre de la Manche et que s'agissant d'armement, c'est chez l'ennemi du moment qu'on a intérêt à aller chercher d'éventuelles améliorations.

Bref, du coup, j'ai pu regarder un peu ce qu'on appelle la révolution industrielle. C'est un phénomène compliqué, qu'on aurait tord de regarder seulement par l'autre bout de la lorgnette (l'industrie anglaise triomphante du milieu du XIXe, Dickens, Engels, etc.). Comme toujours en histoire, on a toujours tendance à chercher des causes : les tenants de l'histoire sociale regardent du côté des enclosures et du déclin rapide de la société agricole traditionnelle, libérant des masses de bras pour l'industrie ; les historiens économistes s'intéressent au redéploiement des capitaux marchands vers l'industrie ; l'historien des techniques voit apparaître des procédés nouveaux, en particulier la fonte au coke. On pourrait parler aussi des tensions religieuses persistantes qui créent au sein des communautés non conformistes des solidarités propices aux partenariats économiques solides, etc.

Comme je suis un peu historien des techniques, c'est surtout ça que j'ai regardé. La production de fer en Europe se fait principalement, depuis le XVe siècle, dans des hauts fourneaux : on brûle en continu un mélange de charbon de bois et d'oxydes de fer dans une sorte de tour ; le charbon, en brûlant, fait à la fois fondre le minerai, le débarrasse de son oxygène et s'associe avec lui pour former de la fonte (fer avec quelques % de carbone), qui coule en bas du haut fourneau. Les gueuses de fonte, une fois refroidies, sont envoyées dans des affineries où elles sont décarburées par une combinaison de chauffes et de frappes, pour donner du fer forgé.


Des hauts fourneaux au charbon de bois (Ruelle en Angoumois, fin XVIIIe), tirée de G. Monge, cf. biblio.

Le facteur limitant principal, dans l'affaire, c'est le charbon de bois : il coûte cher à produire et demande une exploitation intensive des forêts. En Angleterre, c'est un problème, d'autant qu'il y a moins de forêts qu'en France et que les méthodes des charbonniers y sont beaucoup plus dispendieuses en bois. Par contre, il y a des quantités de charbon fossile, houilles, lignites, etc. Le problème, c'est que si on l'utilise tel quel dans les hauts-fourneaux, ça ne marche pas du tout : le souffre qu'il contient s'associe au fer pour produire une fonte cassante et inutilisable en affinerie ; les goudrons encrassent le haut fourneau au point de le bloquer et d'interrompre le fondage. On l'utilise par contre pour la métallurgie des non-ferreux (cuivre, plomb, étain) dans des fours à réverbères qui séparent le foyer des matières à traiter et pour évaporer l'eau de mer et produire du sel.

Il est possible que ce soient les brasseurs qui aient eu les premiers l'idée de brûler partiellement le charbon de terre pour en éliminer souffre et goudrons. En effet, il faut du combustible pour griller l'orge et produire le malt ; dans certaines régions d'Angleterre, utiliser le bois à cet effet devenait hors de prix -- et utiliser directement des charbons très souffrés devait donner un résultat absolument infect. Donc, on fait plus ou moins avec le charbon de terre ce que les charbonniers traditionnels font avec le bois et on obtient un produit, le coke, qui comme le charbon de bois est du carbone à peu près pur.

Je ne sais pas combien de temps on a utilisé le coke avant de penser à le mettre au haut-fourneau. C'est en tout cas un ancien ouvrier brasseur, Abraham Darby, membre par ailleurs de la secte des Quakers, qui en 1709 produit pour la première fois de la fonte au coke dans son haut-fourneau de Coalbrookdale, dans le Shropshire (entre Birmingham et le pays de Galles). C'est là qu'est construit peu de temps après le premier pont entièrement formé d'éléments préfabriqués en fonte.

Ironie du sort : quelques années plus tard, l'introduction du charbonnage à la Française fait traverser une grave crise aux hauts fourneaux au coke ; il semble que seule la production de chaudrons et de poêles à orge pour les brasseurs locaux (la boucle est bouclée) permette à Coalbrookdale de passer les années 1720. Mais après ça, la raréfaction du bois ainsi que l'accroissement de la demande (pour des conduites, bientôt des cylindres de machine à vapeur, sans parler des canons de marine bien sûr) font du haut-fourneau au coke la solution dominante pour la production de fer : les usines se multiplient, dans le Shropshire, le Staffordshire et le pays de Galles mais aussi en Ecosse (Carron, 1759) et dans le nord de l'Angleterre.

Un de ces quatre, je vous recause du four à réverbère et de la naissance du puddlage. Mais là tout le monde s'est déjà endormi, donc je m'arrête là ! Voilà en tout cas qui illustre ce que je disais l'autre jour chez Zid (http://www.20six.fr/Blitztoire), du danger à donner à un historien l'occasion de causer d'histoire...

Un peu de biblio, côté sources :

Marchant de la Houillère, (éd. et tr. Dr. W. H. Chaloner), « Smelting Iron Ore with Coke and Casting Naval Canon in the Year 1775 », The Edgar Allen News, vol. 27, n° 318 (déc. 1948), pp. 194-195 et 319 (jan. 1949), pp. 213-215. [c'est en version originale aux A.N., mais je n'ai pas eu le temps d'aller voir]

Gaspard Monge, Description de l'art de fabriquer les canons, faite en exécution de l'arrêté du Comité de salut public du 18 pluviôse de l'an II de la République française, Paris, 1794. [pour l'illustration]

Et côté études, monographies, etc.

Ian Blanchard, « Times of Feast, Times of Famine, a Critical Examination of recent British Research Concerning Market Structures and Trends in the Production of Carboniferous Fuels, 1450-1850 », in Paul Benoît et Catherine Verna (éds.), Le charbon de terre en Europe occidentale avant l’usage industriel du coke, Brepols, Turnhout (Belgique), 1999, « Proceedings of the xxe International Congress of History of Science », vol. iv, pp. 61-75. [ça c'est de la référence, excellent article au demeurant]

R. H. Campbell, Carron Company, Edimburg, Oliver and Boyd, 1961, 346p.

Ifor Edwards, « John Wilkinson and the Development of Gunfounding in the late Eighteenth Century », Welsh History Review, vol. 15, n°4 , décembre 1990, pp. 524-544. [très fautif...]

Barrie Trinder, The Industrial Revolution in Shropshire, London, Phillimore, 1981 [1973], 308p.

Christine Vialls, Coalbrookdale and the Iron Revolution, Cambridge, Introduction to the History of Mankind, Topic Book, CUP, 1980, 48p. [de jolis dessins à l'attention des enfants des écoles]

06 août 2004

Question d'échelle

J'avais quelque peu mis en sommeil cette rubrique, vu que si c'est écrire de l'histoire que je voulais, mon mémoire paraissait un meilleur endroit que le blog. Toutefois, l'apparition d'un autre blog d'historien (blitztoire) me motive pour le ranimer un peu...

Une question est en filigrane de nos discussion récentes sur ledit blog (un peu une tarte à la crème en méthodologie de l'histoire, j'ai bien peur) celle de l'échelle de l'étude historique. Échelle temporelle, ou géographique, ou tout ce qu'on veut.

En fait, la vraie mesure, c'est peut-être celle des sources : quelle quantité de sources est on disposé à étudier, et comment ? Difficulté, surtout pour l'historien débutant : on ne sait pas trop combien de sources on trouvera, sinon je pense que je me serais trouvé un sujet plus pointu que le mien... En matière de travaux académiques, la pratique semble être la suivante : en maîtrise, petit corpus bien fouillé :; en DEA, grand corpus survolé ; en thèse, c'est selon, disons un corpus relativement important et relativement fouillé. Regrettons au passage que les historiens de l'université française n'aient pas profité de l'occasion que leur donnait la réforme LMD pour réfléchir sérieusement à la question -- pas plus que les autres disciplines du secteur lettre, langues et sciences sociales d'ailleurs.

En tout cas, pour les maîtrises d'histoire moderne, le dogme semble être assez clair : quelques cartons, pas plus. Certains camarades préparaient cette année des mémoires tout à fait prometteurs en se basant sur un seul carton. La mienne est donc relativement aberrante, avec ses dizaines de cartons répartis sur cinq ou six dépôts -- et d'aucuns ici même jugeaient mon sujet étroit. Ce qui veut dire que je ne peux en aucun cas dépouiller la totalité des séries pertinentes et que ma récolte de données tient parfois plus de la chance que d'autre chose. Si j'avais su, j'aurais pas venu, ou en tout cas j'aurais borné mon sujet un peu différemment... Quoi que : la problématique qui a surgie de mes sources, c'est celle d'un tournant qualitatif dans ce qu'est une usine, alors que la révolution industrielle pointe le bout de son nez ; cela suppose évidemment une diachronie -- tant pis pour moi !

Mais la question d'un mémoire à fin académique n'est évidemment qu'un cas particulier. En terme plus général de méthodologie historique, on a vu dans les années 70-80 s'affronter les fans du quantitatif à la recherche des longues séries aux tenant de la micro-histoire et de l'étude minutieuse de documents spécifiques, à la recherche de leurs implications et de leurs hypertextes (employons le mot à bon escient, pour changer). Mais finalement il ne s'agit que de manières différentes d'extraire de l'information historique des sources.

le vrai problème, c'est lorsque vient le moment de s'éloigner des sources. Et ça, bien d'accord avec Zid, il faut savoir le faire. Ne serait-ce que parce que sinon, d'autres le feront à votre place, pour dire des âneries. La vogue de l'histoire a un corollaire, c'est l'explosion de la pseudo-histoire. S'éloigner des sources et de leur étude immédiate, c'est fatalement perdre de l'info. C'est ce que les cartographes appellent la généralisation : le passage d'une grande à une petite échelle, en ne gardant que ce qui est pertinent pour l'utilisateur de la carte que l'on est en train de produire. C'est sans doute ce savoir-faire qui caractérise l'Historien avec un grand H. Moi, j'en suis loin !

22 juin 2004

Ma nouvelle fonderie, hein qu'elle est belle !

Une photo de 1818 !

Oué bon, pas une photo techniquement. Une vue en 3D et en couleur. Mais voilà qui contribuera joliment à mon iconographie. Ca et le joli plan qui va avec. Ca donnera une nouvelle occasion de râler aux copains médiévistes, sur le thème "vous les dix-huitièmistes vous avez tout le temps de jolis plans, c'est pas juste".

Voilà ce que ça donne (avec la même orientation à peu de chose près, i.e. le nord en bas) :

Il s'agit de la perspective (1818) et du plan (vers 1795 : difficile de dater un plan qui a plusieurs couches de dates différentes) du même bâtiment, la nouvelle fonderie, à Ruelle, associant quatre fours à réverbères jumelés deux par deux (les grandes cheminées sur les côtés) et deux hauts-fourneaux (dont je ne suis pas bien certain qu'ils aient jamais fonctionnés) [NdA 2006 : En fait, si] : les geulards ronds sur la perspective, les gros carrés sur le plan. Les rampes visibles sur la gauche de la perspective, "en construction" en 1818 d'après la légende, n'existaient pas en 1795, les hauts-fourneaux n'étant alors pas terminés.

Ce bâtiment, construit en plusieurs phases de 1786 à 1819, est central pour mon travail : il est l'illustration principale du changement de paradigme technique pendant la période que j'étudie. Il est d'ailleurs, quoi que lourdement modifié, le plus ancien bâtiment subsistant sur le site.

22 mai 2004

Cartes du Groënland pour compléter mes photos de glaçons

Pour aider à la compréhension de mes photos de glaçons dans les notes du jour, voici quelques cartes tirées de Terre arctique d'André de Cayeux (Grenoble, Arthaud, 1949), particpant des expéditions polaires françaises de 1948 vers ces parages. D'ailleurs, il faudrait faire l'histoire de ces expéditions et surtout de leur impact dans l'opinion, au lendemain de la guerre et en pleine reconstruction.

Sans transition comme dirait l'autre, les cartes. Elles sont numérotées 2, 3 et 4 dans l'ouvrage : la carte 1, vue d'ensemble des régions polaires, aurait été superflue.

On voit nettement sur cette dernière carte l'Eqip Sermia et le sund de l'Arve Prinsen Eijland ; le fjord de glace d'Ilulissat et visible sur la deuxième, juste en dessous de Jakobshavn. Du côté de l'Eqip Sermia, on retrouve, outre la cabanne de "Port Victor" (comme dans "Paul-Emile Victor", puisqu'il était le patron de l'expédition), rénovée ou reconstruite depuis, pas mal de trace du passage des EPF et des difficultés rencontrées : chenilles cassées, reste d'un téléphérique artisanal... Il s'agissait de construire un semblant de route pour rejoindre l'inlandsis tout proche.

Les éditions Arthaud me pardonneront d'avoir mis en valeur de la sorte leur patrimoine éditorial, l'ouvrage étant à ma connaissance épuisé depuis 50 ans. C'est bien dommage d'ailleurs !

17 mai 2004

La couronne et l'entonnoir

Fini à l'instant : Bernard Guenée, La folie de Charles VI, Roi Bien-Aimé, Paris, Perrin, 2004, 320pp.

Résumons : Charles naît le 3 décembre 1368, fils aîné du roi de France Charles V. Il devient roi à la mort de son père en 1380 sous le nom de Charles VI, ses oncles gouvernant en son nom. A 20 ans, il renvoit la régence et exerce directement le pouvoir avec l'aide des anciens conseillers de son père. Il apparaît comme une figure de roi guerrier, aimant marcher à la tête de ses troupes avec l'oriflamme de Saint-Denis. C'est une telle expédition qui se lance à l'été 1392 vers l'ouest de la France.

Et puis, le 5 août, près du Mans, le roi est pris d'une crise de folie furieuse et se rue sur l'épée à la main sur son entourage, menaçant notamment de tuer son frère Louis d'Orléans. On le maîtrise, on le ramène au Mans, où il reste dans une complète hébétude. On le croit mourant ; mais il vit, et il vit longtemps : il meurt en 1422, à 54 ans, après 42 ans de règne dont 30 ans de quasi incapacité, de crises de folie suivies de rémissions temporaires et de moins en moins complètes.

C'est là ce que Guenée appelle joliment le deuxième événement de la folie de Charles VI, qui est un non-événement : à une époque où dans toute l'Europe des rois sont déposés ou renversés, personne n'évoque ouvertement la possibilité d'une abdication, volontaire ou forcée -- si ce n'est pour accuser ses adversaires de comploter à cette fin. C'est un fait qui surprend quiconque survole l'histoire de la période (comme par exemple le non médiéviste que je suis), ce qui suffirait à justifier l'utilité d'un tel ouvrage.

Et c'est effectivement très, très, très intéressant. Le livre s'ouvre sur un rappel critique des sources et des faits qui nous sont connus concernant la maladie mentale dont est frappé le roi. Ici, Guenée fait œuvre utile en écartant tout espoir d'un diagnostic a posteriori : les sources, par respect de la personne royale, ne se permettent aucune description clinique, n'utilisent même jamais le terme de folie. Les trois chapitres centraux concernant les différentes approches utilisées pour chercher la guérison du roi, médecine, magie et prières, sont un peu longs pour le lecteur pressé, mais intéresseront tout ceux qui se préoccupent de l'histoire des idées et des mentalités. J'ai été plus sensible aux chapitres concernant l'interaction de la maladie et de la fonction royale.

Et puis d'un point de vue événementiel, voilà qui permet au non médiéviste que je suis de s'y retrouver enfin dans les enchaînements de ces décennies catastrophique, où le pays, presque sorti de la guerre anglaise, replonge : guerre civile "des armagnacs et de bourguignons", puis la deuxième guerre de cent ans, qui semble devoir déboucher à la mort de Charles VI sur une inéluctable victoire anglaise. La maladie du roi est un fil des plus pertinents pour démêler ce qui m'avait toujours paru obscur : dès lors que la maladie du roi est reconnue comme chronique par les contemporains (vers 1405 semble-t-il : les chroniqueurs cessent alors de parler de guérison lorsque cessent les crises, pour dire seulement que "le roi va mieux" ou qu'il va "assez bien"), les enjeux des luttes de clan entre princes du sang prennent une dimension nouvelle, ouvrant la voie aux assassinats puis aux conflits armés.

Bon, les esprits chagrins trouveront dans l'ouvrage quelques redites ou s'agaceront du retour trop fréquent de quelques formules : certains chapitres sont semble-t-il des réécritures d'articles antérieurs, ce qui peut expliquer le phénomène. Mais en tout état de cause, le résultat est passionnant.

18 avril 2004

cline, clong !

Trouvé dans un fort intéressant rapport de recherche d'Yvon Lamy une interview d'un fondeur périgourdin (certaines foges hydrauliques ont continué à fonctionner jusque dans les années 30) qui se rappelle qu'on mettait au haut fourneaux, le jour de la mise hors feu, « 4 à 500kg de débris de fonte, de vieilles limailles, de clines comme on les appelait ici ».

Joie et bonheur : la comptabilité de Ruelle dans les années 1770 mentionne régulièrement les ventes de claine parmis les ventes de fonte, au même pris que la limaille d'ailleurs. La fonderie vend donc sous ce terme ses déchets d'usinage, à une époque où elle n'a pas les moyens de les refondre.

Bon. Déjà un problème de moins. La connaissance est sans prix dans un régime scientifque comme le nôtre.

[ NdA, janvier 2006 : connaissance finalement inexacte : un mémoire écrit à l'occasion d'un procès m'apprend qu'au XVIIIe, les clines désignent en fait les billes de fontes inclues dans le laitier et non des ferrailles en général. Le sens des mots évolue ! ]

14 avril 2004

bouquins bouquins...

Bon, merci à Amazon, qui m'envoie le bouquin d'Anne-Françoise Garçon sur les non ferreux de 1780 à 1880. Ça a l'air carrément bien comme bouquin, je comprends pas comment je ne l'avais pas lu plus tôt.

Dans le même paquet, la thèse de Frédéric Naulet sur l'artillerie ; ça me sera peut-être pas si utile que je l'espérais, mais bon, parler de l'artillerie de mer (donc en fonte de fer) sans avoir un minimum de background sur l'artillerie de terre (en bronze, ou en "fonte verte" comme on dit alors), ça paraît un peu difficile.

A ce propos, je sais qu'il y a un four à réverbère pour le bronze à Ruelle. D'après mon prédécesseur le plus monumental (Conturie, gros bouquin sur Ruelle datant de 1953, avec beaucoup, beaucoup d'erreurs dedans) il s'agit du déménagement de celui de Rochefort. MAIS il y a très peu de traces de son utilisation (une référence à un bronzier en 1781 dans les comptes de Lonlaigue, mais c'est à peu près tout). Servait-il si peu ? Ou alors était-il généralement utilisé directement par les fondeurs de la marine, d'où son absence des comptes de la fonderie (*) ? Rochefort devait bien avoir besoin de pièces en bronze plus régulièrement que ça (ferrures de gouvernail notamment). A étudier...

Samedi, BNF ; lundi, archives nationales. Les affaires reprennent.

(*) La fonderie de Ruelle est une "fonderie royale de la marine", ce qui veux dire que les murs appartiennent à l'État, que les travaux de construction lui incombe et que des officiers supérieurs de la Marine sont chargés de la surveillance permanente de la fonderie. Par contre, les opérations sont confiée par marché à un entrepreneur, charge à lui de produire un tonnage donné d'artillerie à un prix fixé.

08 avril 2004

Précisons un peu...

Mes (rares) lecteurs semblent trouver le sujet bien pointu à leur goût... Bon, d'abord, il faut savoir qu'une maîtrise d'histoire, c'est un travail pointu sur un corpus de source donné. Après, il faut pouvoir problématiser.

Le truc, c'est que pour la période considérée, il y a à la fois beaucoup de sources et beaucoup d'enjeux :

  • en terme d'histoire des techniques: c'est la première industrialisation, avec la recherche à la fois d'innovation de systématisation, tout en restant dans un système où la coutume et les traditions professionnelles restent dominant. On assiste à un certain nombre d'innovations qui annoncent la révolution industrielle, mais on n'y est pas encore.
  • en terme d'histoire politique, on a quand même la période révolutionnaire: les industries d'armement sont au cœur des préoccupations du comité de salut public, et les actes du représentant en mission Gilbert Romme nous apprennent beaucoup sur les relations entre les révolutionnaires montagnards et le monde de l'industrie et des ouvriers.
  • en terme d'histoire sociale, on a une structure originale: une usine importante (177 employés en l'an II dans l'usine même) dans un milieu encore largement rural, sans compter les "ouvriers de l'extérieur", mineurs, laveurs de minerais, charbonniers, voituriers... Or, les sources, par leur précision, nous permettent de voir au plus près l'organisation du travail dans cette structure proto-industrielle. Certains documents exceptionnels nous permettent également d'envisager le monde des maîtres de forge: une élite rurale qui brouille la limite entre noblesse et tiers, une "gentry" industrieuse mais aux goûts déjà raffinés.

Pour les sources, n'en jetez plus : alors que je n'ai pas encore visité plusieurs dépôts importants j'ai déjà quantité de documents dont je n'aurais pas osé espérer l'existence... La période révolutionnaire est une bénédiction pour ça, bien sûr.

Reste, sans doute, à trouver un titre plus vendeur !

07 avril 2004

Un historien, ça cause énormément

Quiquonque a fréquenté ce genre d'individu le sait: la question "tu travailles sur quoi en ce moment ?" vous expose à des heures de discours sur un sujet qui très franchement n'est pas ce qui vous trotte dans la tête quand vous prenez votre douche le matin. L'historien est ainsi:  son sujet, il l'aime.

Moi, c'est la fonderie de canons de la Marine à Ruelle/Touvre de 1778 à l'an III. Fascinant non ? Allons, allons, ne déguisez pas votre enthousiasme !

Pourquoi ce sujet ?

  • parce que l'histoire des techniques, c'est l'histoire la plus humaines qui soit: des gens dans leur travail, leurs gestes, comment, pourquoi...
  • parce que quand j'étais lycéen à Angoulême plein de copains avaient leur pères qui travaillaient à "la fonderie" ;
  • parce que je suis tombé par hasard sur des documents intéressants laissant à penser qu'il y avait matière à une maîtrise ;
  • parce que pourquoi pas ?

Ci dessus, plan du fourneau à réverbère de Ruelle (construit en 1786 sous la direction de l'architecte Pierre Touffaire), extrait de Gaspard Monge, Description de l'art de fabriquer les canons, faite en exécution de l'arrêté du Comité de salut public du 18 pluviôse de l'an II de la République française, Paris, 1794.