18 avril 2004

cline, clong !

Trouvé dans un fort intéressant rapport de recherche d'Yvon Lamy une interview d'un fondeur périgourdin (certaines foges hydrauliques ont continué à fonctionner jusque dans les années 30) qui se rappelle qu'on mettait au haut fourneaux, le jour de la mise hors feu, « 4 à 500kg de débris de fonte, de vieilles limailles, de clines comme on les appelait ici ».

Joie et bonheur : la comptabilité de Ruelle dans les années 1770 mentionne régulièrement les ventes de claine parmis les ventes de fonte, au même pris que la limaille d'ailleurs. La fonderie vend donc sous ce terme ses déchets d'usinage, à une époque où elle n'a pas les moyens de les refondre.

Bon. Déjà un problème de moins. La connaissance est sans prix dans un régime scientifque comme le nôtre.

[ NdA, janvier 2006 : connaissance finalement inexacte : un mémoire écrit à l'occasion d'un procès m'apprend qu'au XVIIIe, les clines désignent en fait les billes de fontes inclues dans le laitier et non des ferrailles en général. Le sens des mots évolue ! ]

14 avril 2004

bouquins bouquins...

Bon, merci à Amazon, qui m'envoie le bouquin d'Anne-Françoise Garçon sur les non ferreux de 1780 à 1880. Ça a l'air carrément bien comme bouquin, je comprends pas comment je ne l'avais pas lu plus tôt.

Dans le même paquet, la thèse de Frédéric Naulet sur l'artillerie ; ça me sera peut-être pas si utile que je l'espérais, mais bon, parler de l'artillerie de mer (donc en fonte de fer) sans avoir un minimum de background sur l'artillerie de terre (en bronze, ou en "fonte verte" comme on dit alors), ça paraît un peu difficile.

A ce propos, je sais qu'il y a un four à réverbère pour le bronze à Ruelle. D'après mon prédécesseur le plus monumental (Conturie, gros bouquin sur Ruelle datant de 1953, avec beaucoup, beaucoup d'erreurs dedans) il s'agit du déménagement de celui de Rochefort. MAIS il y a très peu de traces de son utilisation (une référence à un bronzier en 1781 dans les comptes de Lonlaigue, mais c'est à peu près tout). Servait-il si peu ? Ou alors était-il généralement utilisé directement par les fondeurs de la marine, d'où son absence des comptes de la fonderie (*) ? Rochefort devait bien avoir besoin de pièces en bronze plus régulièrement que ça (ferrures de gouvernail notamment). A étudier...

Samedi, BNF ; lundi, archives nationales. Les affaires reprennent.

(*) La fonderie de Ruelle est une "fonderie royale de la marine", ce qui veux dire que les murs appartiennent à l'État, que les travaux de construction lui incombe et que des officiers supérieurs de la Marine sont chargés de la surveillance permanente de la fonderie. Par contre, les opérations sont confiée par marché à un entrepreneur, charge à lui de produire un tonnage donné d'artillerie à un prix fixé.

08 avril 2004

Précisons un peu...

Mes (rares) lecteurs semblent trouver le sujet bien pointu à leur goût... Bon, d'abord, il faut savoir qu'une maîtrise d'histoire, c'est un travail pointu sur un corpus de source donné. Après, il faut pouvoir problématiser.

Le truc, c'est que pour la période considérée, il y a à la fois beaucoup de sources et beaucoup d'enjeux :

  • en terme d'histoire des techniques: c'est la première industrialisation, avec la recherche à la fois d'innovation de systématisation, tout en restant dans un système où la coutume et les traditions professionnelles restent dominant. On assiste à un certain nombre d'innovations qui annoncent la révolution industrielle, mais on n'y est pas encore.
  • en terme d'histoire politique, on a quand même la période révolutionnaire: les industries d'armement sont au cœur des préoccupations du comité de salut public, et les actes du représentant en mission Gilbert Romme nous apprennent beaucoup sur les relations entre les révolutionnaires montagnards et le monde de l'industrie et des ouvriers.
  • en terme d'histoire sociale, on a une structure originale: une usine importante (177 employés en l'an II dans l'usine même) dans un milieu encore largement rural, sans compter les "ouvriers de l'extérieur", mineurs, laveurs de minerais, charbonniers, voituriers... Or, les sources, par leur précision, nous permettent de voir au plus près l'organisation du travail dans cette structure proto-industrielle. Certains documents exceptionnels nous permettent également d'envisager le monde des maîtres de forge: une élite rurale qui brouille la limite entre noblesse et tiers, une "gentry" industrieuse mais aux goûts déjà raffinés.

Pour les sources, n'en jetez plus : alors que je n'ai pas encore visité plusieurs dépôts importants j'ai déjà quantité de documents dont je n'aurais pas osé espérer l'existence... La période révolutionnaire est une bénédiction pour ça, bien sûr.

Reste, sans doute, à trouver un titre plus vendeur !

07 avril 2004

Un historien, ça cause énormément

Quiquonque a fréquenté ce genre d'individu le sait: la question "tu travailles sur quoi en ce moment ?" vous expose à des heures de discours sur un sujet qui très franchement n'est pas ce qui vous trotte dans la tête quand vous prenez votre douche le matin. L'historien est ainsi:  son sujet, il l'aime.

Moi, c'est la fonderie de canons de la Marine à Ruelle/Touvre de 1778 à l'an III. Fascinant non ? Allons, allons, ne déguisez pas votre enthousiasme !

Pourquoi ce sujet ?

  • parce que l'histoire des techniques, c'est l'histoire la plus humaines qui soit: des gens dans leur travail, leurs gestes, comment, pourquoi...
  • parce que quand j'étais lycéen à Angoulême plein de copains avaient leur pères qui travaillaient à "la fonderie" ;
  • parce que je suis tombé par hasard sur des documents intéressants laissant à penser qu'il y avait matière à une maîtrise ;
  • parce que pourquoi pas ?

Ci dessus, plan du fourneau à réverbère de Ruelle (construit en 1786 sous la direction de l'architecte Pierre Touffaire), extrait de Gaspard Monge, Description de l'art de fabriquer les canons, faite en exécution de l'arrêté du Comité de salut public du 18 pluviôse de l'an II de la République française, Paris, 1794.