01 mai 2009

Moi dont les Monitors

Ce blog étant resté en dormance pendant un temps certain, je le reprends comme je l'avais laissé : par des notes de lecture. Et pour commencer, quelques vers :

Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,
Jeté par l’ouragan dans l’éther sans oiseau,
Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses
N’auraient pas repêché la carcasse ivre d’eau

C'est Rimbaud, bien sûr, Le bateau ivre, écrit je crois en 1871. Monitor, voilà qui fera froncer le sourcil au lycéen tirant la langue sur son explication de texte (même si MM. Lagarde et Michard l'ont certainement gratifié d'une note de bas de page) ; en 1871, le nom de ce navire allait de soi pour un poète à peine plus vieux que lui. Le Monitor était encore, huit ans après sa courte carrière (il sombre dans la nuit du nouvel an 1863), une véritable célébrité.

C'est l'un des objectifs de D. Mindell dans cet ouvrage, War, Technology and Experience aboard the USS Monitor : montrer comment le Monitor-célébrité s'est construit pratiquement en même temps que le Monitor-navire, dans une offensive à la fois psychologique et navale.

Rappelons les faits : dès le début de la guerre de sécession (1861-1865), un des principaux axes de la stratégie du Nord était le blocus complet imposé aux Confédérés. Or, début 1862, ces derniers avaient converti en cuirassé l'ancien vaisseau Merrimack, incendié au début de la guerre, menaçant ainsi de percer le blocus. Le Monitor, une sorte de cuirassé de poche, est construit en urgence pour contrecarrer cette menace. Le 8 mars 1862, il affronte l'ex-Merrimack (devenu CSS Virginia) dans le passage stratégique de Hampton Roads, porte de sortie maritime de la capitale sudiste Richmond et du principal arsenal confédéré, Norfolk. Les deux vaisseaux survivent à l'affrontement mais le Virginia se replie définitivement à Norfolk ; il se saborde le 7 mai lors de la prise de Norfolk par l'Union.

La bataille de Hampton Roads, quoiqu'indécise, est restée comme un symbole : par l'affrontement du Merrimack et du Monitor (puissance de l'allitération : le nom de Virginia n'a pas marqué les mémoires), l'irruption de l'industrie, au sens contemporain du terme, dans la guerre. C'est un autre axe du livre de Mindell : montrer la tension entre cette nouvelle guerre de machines et la tradition de l'héroïsme guerrier. Peut-on être héroïque derrière un blindage impénétrable ? Les écrivains du temps (Hawthorne et Melville, notamment) y voyaient la naissance d'une guerre dont l'humain s'effacerait. Il est vrai qu'ils voyaient les combats sans victimes, ou presque, du Monitor sur le fond des boucheries épouvantables du combat terrestre...

Dernière tension que met en évidence l'ouvrage : celle qui oppose le Monitor calculé du Monitor réel. Son inventeur, John Ericsson, a joué une part active dans la célébrité du Monitor, sur laquelle il construisait la sienne - un personnage d'inventeur incompris en lutte contre tous les conservatismes dont il triomphe, finalement, à Hampton's Road ; la réalité est plus complexe. D'abord, si le Monitor est innovant, il n'est pas révolutionnaire : il y avait des cuirassés en France et en Grande-Bretagne avant lui, y compris avec une propulsion à hélice ; quant aux canons sur tourelles, ils avaient été testé sur les batteries flottantes de la guerre de Crimée. Par ailleurs, Ericsson ayant toujours refusé de mettre le pied sur son navire refusait avec obstination d'admettre les défauts qu'on lui observait. Sa réponse aux officiers était alors : « vous vous trompez, j'ai tout calculé. » Pour autant, ces problèmes étaient réels et graves : par exemple, le Monitor est pratiquement un sous-marin puisque les quartiers de l'équipage ainsi que les machines se trouvaient sous la ligne de flottaison (Jules Verne présente d'ailleurs son Nautilus comme « une sorte de Monitor ») - ils dépendent donc lourdement du système de ventilation. Celui-ci ayant été étouffé par des paquets de mer, tous l'équipage a manqué de périr gazé par ses propres machines pendant le trajet de New York à Hampton's Road...

On le voit, il y a beaucoup de bonnes choses dans cet ouvrage, pour qui s'intéresse au Monitor lui-même ou plus généralement à la mécanisation des flottes au XIXe siècle. Quelques points faibles toutefois : de l'aveu de l'auteur, l'ouvrage est la version développée d'un article d'une trentaie de page dans Technology and Culture (avril 1995). Or, s'il y a des éléments en plus dans l'ouvrage, il ne parait pas certain qu'il y en ait eu assez pour remplir 180 pages... En conséquence, certains chapitres tirent sérieusement à la ligne et semble devoir plus aux demandes de l'éditeur qu'aux nécessités de la narration historique. Le chapitre 3 par exemple développe la biographie d'un William Keeler, officier à bord du Monitor et dont la correspondance est une source fondamentale concernant le navire. De là à lui consacrer un chapitre, il y a un pas... Le chapitre 8, quant à lui, est entièrement consacré au poème qu'a écrit Melville sur le Monitor plutôt une longue paraphrase, d'ailleurs. Mon conseil : sauter entièrement ce chapitre.

Malgré ces quelques réserves, voilà un petit livre agréable à lire et qui m'a appris énormément.

Références

David A. Mindell, War, Technology and Experience aboard the USS Monitor, Baltimore (MD), The John Hopkins University Press, 2000, 187pp.

David A. Mindell, « "The Clangor of That Blacksmith's Fray": Technology, War, and Experience Aboard the USS 'Monitor' », Technology & Culture, vol. 36, n°2 (avril 1995), pp.242-270.

Les illustrations sont tirée de John Ericsson, Contribution to the Centennial Exhibition, 1876, reproduites dans l'article de Technology & Culture cité, p. 247.

10 novembre 2006

De l'art de faire Suez

Encore une note du type « note de lecture divagante » : pour partager mes lectures du moment et les réflexions que ça inspire, mais aussi parce que c'est un moyen de faire circuler ce blog à l'extérieur de mes recherches personnelles - oui, j'arrive pour le moment à garder une vague idée du fait qu'il y a une vie en dehors de mon sujet ; j'ignore combien de temps ça durera.

Il s'agit aujourd'hui d'un bouquin dont j'ai déjà parlé plusieurs fois : celui de Nathalie Montel sur le chantier du canal de Suez, réalisé entre 1859 et 1869 (le canal, pas le bouquin). Un bouquin qui a pas mal de mérites ; par bien des côtés, c'est un modèle de monographie d'histoire des technique, ce qui m'arrange bien, vu que c'est précisément le genre de travail que je dois produire cette année.

Premier mérite : déboulonner le mythe de Ferdinand de Lesseps. Je cite André Siegfried dans l'ouvrage dont j'ai parlé il y a quelques semaines, Suez, Panama et les routes maritimes mondiales (p. 49) :

On ne saurait trop admirer Ferdinand de Lesseps : c'est lui qui a fait le canal, il est tout le canal ; créateur d'une route mondiale nouvelle, il est de la taille des Magellan et des Vasco de Gama.

Et ça continue sur ce ton. Montel le ramène à une stature beaucoup plus raisonnable, celle de promoteur (Montel, p. 351), au sens fort du mot : il lance l'idée, en assure justement la promotion, cours après les financements... Par contre, il n'intervient pratiquement pas dans les travaux, sauf pour s'entêter dans des choix initiaux d'organisation du chantier qui ne tiennent pas la route - jusqu'à finalement changer d'avis, en toute discrétion pour ne pas alarmer les actionnaires. Le génie de Lesseps c'est, en grande partie, d'avoir vu l'importance qu'il y avait à monopoliser la communication concernant l'ouvrage : il est contractuellement interdit aux employés de la compagnie de laisser filtrer quelque information que ce soit à l'extérieur. Sa gloire posthume a montré qu'il avait parfaitement maîtrisé cet aspect de la chose !

Sur le chantier lui-même, je vous laisse lire l'ouvrage. Rappelons juste qu'il s'agit d'un canal de 162 km à creuser dans le désert, en utilisant en partie les lacs salés qui parsèment l'isthme. Côté Mer rouge, un port ancien et important, Suez - le point d'embarquement des pélerins de Basse-Égypte se rendant à la Mecque. Côté Méditerranée, rien : on construit un port artificiel sur les dunes qui séparent la vaste lagune du lac Menzaleh de la mer ; ça reste d'ailleurs une approche difficile pour les bateaux qui ne disposent pas de navigation par satellite, tant la côte manque de points de repères. Entre les deux, le canal ne nécéssite pas d'écluse : c'est, suivant l'expression de l'époque, un bosphore artificiel. Il s'agit donc d'une vaste opération de terrassement, dans des conditions particulièrement rudes et avec un volume à extraire énorme.

Le point-clé dans l'affaire, et plus généralement dans l'histoire des chantiers, c'est : « faire » ou « faire faire ». C'est à la fois un des points forts et un des points faibles du bouquin. La compagnie fondée par Lesseps doit être l'exploitant futur du canal mais elle n'est pas une entreprise de travaux public - elle est maître d'ouvrage plutôt que maître d'œuvre. Les travaux sont initialement confiés de manière globale à un entrepreneur, Hardon. Nathalie Montel met en évidence les difficultés dans lesquelles s'empêtre le chantier faute d'un contrôle effectif des réalisations de l'entreprise Hardon par la Compagnie et montre l'importance cruciale de la mise en place par l'ingénieur des Ponts et Chaussées Voisin d'un tel contrôle. Lorsque le marché avec Hardon est finalement résilié, les travaux sont temporairement poursuivis en régie (la Compagnie devenant pour un temps maître d'œuvre) avant d'être divisés en lots et confiés à diverses entreprises, notamment Borel et Lavalley qui, à grand renfort de mécanisation, réalisent environ les trois quarts des terrassements.

Mon regret : que cette transition par la régie ne soit pas analysée de manière plus détaillée. Elle est présentée uniquement sous la forme de l'échec : par conservatisme, l'infrastructure calquée de celle des Ponts et Chaussées ne parviendrait pas à mettre en place les innovations nécessaires à la poursuite des travaux, ce qui la contraindrait à passer la main à des entrepreneurs plus aptes à cette prise de risque. Je suis prêt à la croire, mais j'aurais aimé que, pour cela, elle élimine preuve à l'appui l'hypothèse inverse : que la Compagnie, maître d'ouvrage, ne se soit mis dans la peau du maître d'œuvre que par défaut, temporairement, le temps de la liquidation de l'entreprise Hardon et du lancement de nouveaux appels d'offre. Ceux-ci terminés, la Compagnie serait naturellement retournée dans le domaine qui est le sien, celui du « faire faire ». Il peut bien sûr y avoir toute sorte de solutions intermédiaires, par exemple que Voisin, chef des travaux pour la Compagnie, ait été tenté par la réalisation directe des travaux avant de se rendre compte qu'il sortait de son domaine de compétence... Bon, Nathalie Montel sera au séminaire de Master en décembre : je lui poserai la question !

Notons par ailleurs que les passages sur la mécanisation des travaux publics, pour laquelle Suez, avec son contexte de pénurie chronique de main d'œuvre, est un terrain d'essai extraordinaire, sont passionnants ; que la réflexions sur la relation entre sciences et techniques au milieu du XIXe siècle est tout à fait stimulante (pour faire court, il n'y a pratiquement pas d'application directe des progrès scientifiques au domaine des travaux publics) ; enfin, que je partage entièrement les réserves de l'auteur sur la place faite en histoire des techniques au concept d'ingénieur !

Bref, un bon bouqin d'histoire des techniques. Glop, glop.


* * *

Référence : Nathalie Montel, Le chantier du canal de Suez (1859-1869), Une histoire des pratiques techniques, éditions In Forma/Presse de l'École nationale des Ponts et Chaussées, 1998, 381 p.

Illustrations : couverture de l'ouvrage ; plan du canal de Suez (Foncin/Colin/Fraysse, cours de géographie pour le certificat d'études primaires, Armand Colin, 1957) ; la drague à long couloir de Lavalley (d'après Montel, op. cit., p. 240.)

03 novembre 2006

Mers du Nord

Le 23 janvier 1579, un traité fédérant Hollande, Zélande, Groningue, Gueldre, Frise, Utrecht, Gueldre et Overijssel - provinces protestantes du Nord des Pays-Bas, soulevées depuis 1566 contre leur souverain espagnol - marque la naissance d'un pays nouveau, les Provinces-Unies.

15 ans plus tard, en 1594, sortent de la rade du Texel trois navires, l'un venu d'Amsterdam, l'autre d'Enkhuizen, le troisième de Zélande. L'expédition est pilotée par Willem Barentsz. Il y en aura deux autres, dans le même objectif : découvrir un passage vers les Indes en passant au nord de l'Eurasie.

Inutile de dire que ces expéditions échouent, même si elles ont le mérite d'explorer les côte du Spitzberg et de la Nouvelle-Zemble. La troisième (1596-1597) a même tellement échouée qu'elle s'est soldée par la perte des navires, broyés par la glace, un hivernage improvisé sur les côtes de Nouvelle-Zemble, et un retour en chaloupe pendant lequel Barentsz passe de vie à trépas.

Mais ce qui reste de ces expéditions, c'est la maîtrise des mers nordiques, totalement délaissée par les explorateurs espagnols et portuguais, et des liens extrêmement solide avec l'Europe du Nord. C'est sur cette base que se développe la puissance hollandaise, et pas seulement pour la pêche à la baleine : au XVIIe siècle, Amsterdam est le principal marché européen pour l'artillerie de marine, alors même que les Provinces-Unies n'ont pratiquement aucune sidérurgie - les fameux canons hollandais que l'archéologie sous-marine repêche un peu partout sont de fabrication scandinave ou russe.

Après la « glorieuse révolution » de 1688, qui voit l'arrivée sur le trône d'Angleterre du Stadthouder des Provinces-Unies, cette tradition nordique le suit. Je reviendrai un jour sur l'importance des contacts scandinaves et russes dans la première industrialisation de la Grande-Bretagne, celle qui commence à la fin du XVIIe siècle, justement. De notre point de vue français, nous négligeons facilement le poids historique de ces régions, sans doute parce que nous ne sommes pas particulièrement tentés d'y passer nos vacances - enfin, moi, si, mais c'est une autre histoire.

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Illustrations : couverture de Prisonniers des glaces, les expéditions de Willem Barentsz (1594-1597), texte établi et présenté par Xavier de Castro, Chandeigne/UNESCO 1996 ; scène de chasse à la baleine dans l'Arctique (vers 1700), Scheepvart Museum, Amsterdam.

20 octobre 2006

Usine / chantier

Deux instances de ce que nos statisticiens appellent le secteur secondaire : l'usine et le chantier. Une usine, c'est un lieu de travail créé à un endroit donné pour un temps non défini mais de préférence relativement long. Un chantier n'est que temporaire - après, il se termine, il cesse d'être chantier ; un autre chantier s'ouvrira sans doute aileurs. Dans une usine, les différentes parties du processus de production sont réparties dans l'espace, l'atelier de fonderie, de peinture, d'ajustage... Sur un chantier, les « corps d'état » se succèdent au même endroit, de préférence dans le bon ordre - terrassier, maçon, charpentier, couvreur, plâtrier, etc. D'une usine on sort les objets produits, alors que c'est le chantier qui doit partir pour livrer son objet...

Bref, à divers titre, chantier et usine sont, non pas en opposition, mais en dualité - deux modalités divergentes du travail humain organisé. Ma présentation de cet après-midi en séminaire de Master, c'était sur ce qui se passe quand c'est les deux à la fois : une usine en chantier.


Les évolutions de la fonderie de Ruelle, 1786-1826, d'après un article de la Revue maritime et coloniale, mars 1870

Je ne vais pas vous refaire tous le speech - un peu trop long, comme d'habitude, et largement improvisé de toute façon - mais voilà l'idée générale. De 1786 à 1806, puis de nouveau dans les années 1820 (mais ça sort de mon sujet), la fonderie de canons de la Marine située à Ruelle (Charente) subit une série de remaniements importants, avec construction de nouveaux bâtiments, destruction de certains autres, réaménagement complet du cours de la rivière, etc. - la forge à canon construite en 1753 dans une ancienne papeterie se transforme en un établissement d'un type nouveau : une grande fonderie.

Mais Pendant les travaux, la vente continue : les travaux avaient commencé en 1788 mais sont ensuite mis en veilleuse jusqu'à la déclaration de guerre de 1792 ; après ça, les travaux reprennent d'arrache-pied justement parce qu'on a besoin de canons pour la guerre ; il n'est donc pas question d'interrompre la production. Cohabitent donc dans un même espace usine et chantier - avec chacun leurs ouvriers, leurs matériaux, leur direction. Tout ce beau monde se marchant sur les pieds à l'occasion : « l'entrepreneur de la fonte des canons a pris pour le moulage des pièces le sable destiné au mortier pour la maçonnerie du nouveau four », dit l'entrepreneur des travaux.

Résultat des courses : un cas d'espèce intéressant sur la dualité usine/chantier ; et l'origine de trois tonnes de sources détaillées sur l'histoire de la fonderie. Le pied, quand c'est le sujet qu'on se propose de traiter pour son mémoire de M2.

P.S. : le bouquin de Nathalie Montel sur le canal de Suez (j'en parlerai un de ces jours) est particulièrement inspirant sur la notion de chantier comme mode spécifique d'organisation du travail - et donc objet d'histoire des techniques. L'intro en particulier est bien fichue comme tout et m'a aidée à conceptualiser un peu tout ça.

13 octobre 2006

Marchand-Fashoda ou la ruée vers l'Afrique

Il y a quelques années, j'accompagnais ma belle à la British Library - qui était encore dans les murs du British Museum, ça ne date donc pas d'hier - et, n'ayant rien de particulier à y faire, je m'étais mis en tête de faire le tour de la bibliographie sur un épisode qui évoquait de vagues souvenirs de manuels scolaire : l'affaire de Fashoda. Ce que j'en savais : que s'étaient affrontées là les ambitions coloniales anglaise, dirigées sur l'axe allant du Caire au Cap, et françaises, cherchant à établir une transversale de l'Atlantique à Djibouti. Je croyais savoir que ça se passait à la fin du XIXème siècle, mais c'était à peu près tout.

Ce que j'ai lu sur la question m'a appris énormément sur ce qu'a été la conquête de l'Afrique par l'Europe à cette époque. petit résumé.

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Itinéraire principal de l'expédition Marchand, de Loango à Djibouti, d'après Marc MICHEL.

La rencontre franco-anglaise à Fashoda date de l'automne 1899, mais l'expédition était partie depuis trois ans. La ruée européenne pour le contrôle effectif de colonies en Afrique avait, elle, débuté vers 1875, en s'accélérant dans les années 1880. Depuis 1893, les Colonies ont un sous-secrétaire d'État : l'empire colonial prend corps au sein de l'administration. Et cela sans que l'on ait jamais décidé clairement quels étaient les buts et les limites de cette politique : depuis la chute du gouvernement Jules Ferry sur l'affaire du Tonkin (1885), ce sont des sujets que l'on évite. Les expéditions se décident en petit comité dans les couloirs du ministère de la Marine ou de la Guerre, plus tard des Colonies. Un « parti colonial » s'organise, mais rien à voir avec un parti politique : il s'agit plutôt d'un groupe de pression réunissant des personnalités favorable à la colonisation.

En 1893, ce groupe commence à formuler le projet d'une expédition du Congo (sur lequel la France possède des établissements depuis les voyages de Savorgnan de Brazza) vers le Nil, dans l'actuel Soudan. Ce territoire avait été sous contrôle anglo-égyptien - c'est à dire contrôlé par l'Angleterre sous la souveraineté nominale du sultan du Caire - mais ils en avaient été chassés en 1883 par un violent soulèvement combinant Islam radical et intérêts esclavagistes (les Arabes du Soudan étant alors les principaux fournisseurs de la traite négrière par la mer rouge, la seule encore prospère). Le projet français était de profiter de la situation pour s'installer sur le Nil en amont du territoire soulevé (l'État du Mahdi), de négocier si possible une alliance avec les mahdistes, et d'utiliser cette position pour renégocier avec l'Angleterre la domination de l'Égypte - voire, dans la version la plus folle du projet, de contrôler par un barrage le cours du Nil. Ce qui était hydrologiquement absurde, mais ça avait impressionné les politiciens : on raisonne sur des cartes à moitié blanches, dans l'abstrait, à grand coup de « y a qu'à » et de « faut qu'on ».

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Le projet traîne, au gré des crises politiques : on est en pleine affaire Dreyfus. Fin 1896, un capitaine d'infanterie de Marine, Marchand, parvient à convaincre le gouvernement de lui confier la mission, avec des effectifs français très limités et, dans ses bagages, une canonnière à vapeur en kit qui devra être remontée surles premiers affluents du Nil - l'affaire sera rondement menée.

Il faut en fait plus de deux ans de galère pour atteindre la petite forteresse de Fashoda. En particulier, les fameux affluents du Nil, qu'on imaginait larges et aiséments navigables, sont envahis par le Suddh, une végétation flottante qiu forme de verritables barrages - il faut pratiquement creuser un chenal tout en avançant. la région a été dévastée par les madhiste, au point que la nourriture manque... Le petit saut de puce entre bassin du Congo et bassin du Nil n'est pas si simple à franchir sur le terrain.

Cependant, le gouvernement anglais riposte : le général Kitchener commande les armées du sultan d'Égypte ; on lui adjoint des renforts anglais et il mène une guerre-éclair contre les mahdistes. La découverte de balles françaises dans le bois d'un bateau capturé lui confirme la présence des Français - dont le projet d'alliance avec la rebellion a visiblement fait long feu. Un mois plus tard, en septembre 1898, il est devant Fashoda. La tension est à son comble entre la France, où la crise politique s'accentue, et l'Angleterre, qui mobilise sa Marine...

Et finalement, la tension retombe. Le second de Marchand rentre en France avec le rapport de son chef, en descendant le Nil avec les Anglais : le trajet ne dure que deux semaines... On peut penser que cette disproportion entre le temps de trajet de l'expédition et celui-là ait fait réaliser aux politiciens l'innanité du projet ! Le gros de l'expédition rentre par Djibouti, sur les trace de la mission Bonchamps qui devaient la renforcer mais s'était lassée de l'attendre ; la frontière est tracée sur les bases de la situation antérieure. De toute cette affaire, il ne reste pas grand chose - un vague ressentiment qui sera exploité à outrance par Vichy et une confirmation de la domination française sur l'Est de l'actuelle Centrafrique.

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Mais c'est un épisode tellement caractéristique de la colonisation : une décision prise sans débat démocratique ; des projets fumeux basés sur une géographie approximative ; enfin, pas la moindre idée sur ce qu'on fera des territoires ainsi conquis : par la magie de la compétition entre puissances, la conquête devient une fin en soit.

C'est de ce genre de fonctionnement tordu qu'est née la domination territoriale des Européens sur la quasi-totalité de l'Afrique : cet épisode de 70 ans que l'on appelle la colonisation. Pendant tout le reste de cette période, on a cherché à répondre à la question qu'on ne s'était pas posée au départ : pour quoi faire. Disons-le : la décolonisation, c'est aussi un renoncement à trouver une réponse.

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Principaux ouvrages utilisés :

Marc MICHEL La mission Marchand, 1895-1899, Paris-La Haye, Mouton, 1972.

Roger Glenn BROWN, Fashoda Reconsidered, The Impact of French Domestic Politics on French Policy in Africa, 1893-1898, Baltimore, John Hopkins Press, 1970.

J'avais également lu The Race to Fashoda: Colonialism and African Resistance, de D.L. Lewis, mais j'ai mes doutes sur le sérieux de l'ouvrage. Sinon, différents textes d'époques, mais les deux titres cités ci-dessus me semble plus que suffisants pour ceux que ça peut intéresser.

06 octobre 2006

En série

Tous ces derniers vendredis, j'ai commencé une activité devant laquelle j'avais reculé depuis plusieurs années : le dépouillement systématique d'une série intimidante par son volume. Il s'agit de gros registres (cf. ci-contre le volume 3...) comportant, par trimestre, les copies de lettres envoyées par le ministère de la Marine en ce qui concerne la fabrication d'artillerie.

En fait, c'est un peu plus compliqué que ça : la série commence sous la Convention, en l'an III, avant que les ministères ne soient reconstitués - ils le sont peu après l'élection du directoire exécutif, en brumaire an IV. Les deux premiers volumes sont donc la correspondance des commissions qui préfigurent les ministères de l'an IV, mais en ce qui me concerne, ça ne change pas grand chose. Quant au calendrier républicain, c'est plutôt une simplification : on s'y fait très rapidement ; finalement, c'est à se demander pourquoi on ne l'a pas garder, ce brave calendrier... Un peu de calcul mental pour savoir si on est sous la neige ou en pleine canicule, et on s'y retrouve très bien.

Ce qui est nouveau pour moi, c'est l'échelle de travail : parcourir méthodiquement des milliers et des milliers de page, en extraire l'information pertinente, en sachant qu'on prend des trucs qui ne serviront pas et qu'on en laisse passer dont on aura peut-être besoin un jour - à tout le moins, on essayera de se souvenir que c'est là.

Je ne fais pas d'histoire quantitative ; il ne s'agit donc pas de remplir une base de donnée en espérant pouvoir collecter des données suffisament homogènes pour avoir des statistiques significatives. Je ne dis pas que ce n'est pas une approche valable : simplement, ce n'est pas la mienne. J'essaye de repérer des connexions, des éléments qualitatifs pour comprendre les processus de production, les rapports entre l'État et les producteurs d'artillerie, les non-dits de ces rapports... Plus concrètement, je photographie ce qui m'intéresse et je le note en quelques mots sur une fiche, histoire d'y retrouver mes petits. Inutile de dire que j'en fait des tonnes, de photos : j'ai deux batteries pour l'appareil photo, trois ou quatre cartes mémoires, et ça tourne ! Disons une photo toutes les deux ou trois minutes en moyenne, faut aussi le temps de les lire, les documents. Et le propre des minutes, c'est que ce sont des documents à usage uniquement interne : les commis ne soignent donc pas forcément leur écriture, sans compter qu'ils utilisent fréquemment le registre de minutes comme brouillon avant de rédiger la lettre elle même. Sur les quatre ou cinq écritures que je rencontre dans ces registres, il y en a une qui est presque illisible, deux ou trois plutôt lisibles et une parfaite - mais c'est celle qui revient le moins souvent. Par chance, la moins lisible traite essentiellement de questions qui ne me concerne pas.

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Ce que permet ce travail méthodique, par opposition au picorage (parfois assez systématique, tout de même) qui était mon mode de fonctionnement dominant, c'est que ça permet de raccorcher à un fil conducteur des documents que l'on avait rencontré par ailleurs, de les réinsérer dans une trame plus large. L'inconvénient, bien sûr, c'est le temps que ça prend : je fais un ou deux volumes par séance, deux et demi en faisant une très grosse journée, et il y en a quatre par ans. Sachant qu'il faut au minimum que je consulte les huit premières années de la série, ce n'est pas gagné !

29 septembre 2006

Siegfried, ou le crépuscule d'une idée

J'avais trouvé l'autre jour sur l'étal d'un bouquiniste où j'ai mes habitudes cet ouvrage dont l'auteur et le titre m'ont attiré l'œil : André Siegfried, Suez, Panama et les routes maritimes mondiales, Paris, Armand Colin, 1940. Je ne l'ai pas lu en entier mais j'y ai repéré quelques passages intéressants.

La vie d'André Siegfried coïncide exactement avec l'ère du colonialisme moderne : il est né en 1875, alors que s'accélère la conquête de l'Afrique, et meurt en 1959, alors que la plupart des colonies françaises s'apprêtent à devenir des &Eactute;tats indépendants. Il n'est donc pas surprenant qu'il partage une idée qui semble une évidence au plus grand nombre : la supériorité de la race blanche. Il n'est cependant pas un sot : il voit bien que l'ordre colonial est remis en cause, qu'il ne se maintiendra sans doute pas indéfiniment en état :

[...] et les races exotiques, réveillées par nous d'un long sommeil, comme la belle au bois dormant, revendiquent à leur tour leur indépendance.

Le « par nous » vaut bien sûr son pesant de cacahouètes ; cependant, ils ne sont pas nombreux ceux qui sont alors conscients de la réalité de cette aspiration. Voilà ce qui fait l'intérêt de l'ouvrage de Siegfried : il pense à l'intérieur du système qui fait de la supériorité de la race blanche une évidence tout en observant la montée d'une dynamique qui détruira finalement ce système : c'est le crépuscule d'une idée.

Alors du coup, il se bricole des certitudes de rechange :

La technique s'apprend : c'est avec raison que beaucoup des concurrents de l'Europe peuvent se vanter de faire marcher des machines européennes aussi bien que leurs inventeurs. Mais faire marcher les machines est peu de chose : ce qui compte, c'est de les avoir inventées, puis de les perfectionner, de les renouveler, en les adaptant aux conditions qui changent. Pareil génie de création est resté jusqu'ici le privilège de la race blanche, même de certaines section de cettte race, et il est la première condition du maintien de notre civilisation matérielle à un niveau élevé.

Il est facile de ricaner, et cependant telle était jusqu'à ces toutes dernières années l'attitude dominante de l'Occident à l'égard de la Chine : qu'ils produisent, nous, nous concevons ; si la Chine est l'ouvrier du monde, assurons-nous d'en être le cadre supérieur. Le raisonnement est le même.

Et si ce privilège de l'inventivité venait à être partagé ? Resterait la privilège ultime, celui de savoir diriger :

Les qualités de cet ordre, dans la conduite d'une affaire, sont justement celles que le public ne voit pas, et elles relèvent en un sens de la morale autant que de la technique. Que d'erreurs, par exemple, dans le jugement de l'ouvrier, sur l'importance de la fonction du patron ! Ce génie, qui est d'ordre administratif dans le sens le plus élevé du mot, relève de la plus authentique civilisation, et le déclin viendrait vite si l'on prétendait s'en passer.

Le ricanement est plus difficile à retenir ; notons toutefois que la notion de culture administrative n'est pas une illusion : le chaos dans lequel a sombré le Congo-Kinshasa après le départ précipité du colonisateur belge en est une preuve. Mais de là à en faire un privilège de la « race blanche », il y a loin...

Mais voilà : nous nous sommes débarassés de ce concept encombrant - tournant majeur, extrêmement rapide, qui nous est encore trop proche pour que nous soyons capables d'en faire l'histoire. Dans un monde dont il prévoit les mutations, Siegfried tente de trouver des raisons au maintien de cette « suprématie » qui lui semble un fait incontestable - faute de quoi, conclut-il dans les dernières lignes de l'ouvrage, le déclin universel est assuré :

S'il devait en être autrement dans l'avenir, c'est que les solutions d'intérêt général, inspirées de la grande politique romaine, auraient fait place, dans le monde, à un morcellement auquel la civilisation ne survivrait qu'avec peine.

Addendum : la rédaction de cette note ayant duré plus longtemps que prévu, j'ai trouvé dans le Monde daté de mardi un article fort intéressant sur le lancement du dernier porte-conteneurs géant de la CMA-CGM, qui annonce les lancement futurs des super-porte-conteneurs de 11.000 EVP (équivalent vingt pieds : un conteneur de la taille d'un semi-remorque compte pour deux EVP). Ces bateaux sont conçus et fabriqués par Hyundai, en Corée ; ils rendent par ailleurs totalement obsolètes les deux canaux transocéaniques dont Siegfried faisait les pivots du commerce mondial.

Quant à l'écroulement de la civilisation, on l'attend toujours.

22 septembre 2006

Technique/technologie

Je reçois, tous les trois mois environ, mon numéro de la revue Technology and Culture, publié par la Society for the History of Technology - la principale publication internationale (bien que principalement américaine, il faut le reconnaître) dans le domaine de l'histoire des technique.

Mais alors, histoire des techniques ou History of Technology ? Faudrait voir à se mettre d'accord, me direz-vous. Et précisément, dans la livraison que j'ai reçue lundi matin se trouvent plusieurs articles sur la sémantique du mot technology ; en particulier, un article d'Eric Schatzberg intitulé « Technik comes to America, Changing Meanings of Technology before 1930 » (T&C, vol. 47, n°3, juillet 2006, pp. 486-512). Il se propose justement d'expliquer la fracture entre l'anglais et les autres langues européenne sur le mot « technologie » - celui-ci s'étant pratiquement substitué, en anglais, au terme de « technique » dès les années 1930. Article très intéressant ; pour ceux qui n'ont pas le courage de le lire, voilà un résumé aproximatif.

De Technik à technology

Le terme « technologie » est d'invention allemande, employé pour la première fois par Johann Beckmann, professeur à la vénérable université de Göttingen, qui publie en 1777 un Anleitung zur Technologie (Introduction à la technologie) ; il désigne la science qui se consacre à l'étude des procédés techniques, de la même manière que la minéralogie est la science qui étudie les minéraux. C'est le sens qu'il garde pendant tout le XIXe siècle : c'est par exemple ainsi qu'il faut comprendre le nom du Massachusetts Institute of Technology, fondé en 1861. C'est un terme rare, même si quelques ouvrages se qualifient eux-même de « technologies » : ce sont des panoramas généraux de ce que l'on appelle alors les arts industriels, à l'attention du fameux grand public cultivé plus que des praticiens.

D'après Schnatzberg, le transfert de sens s'opère dans les premières années du XXe siècle et prend sa source non pas dans le concept de technologie tel que l'employait Beckman mais dans la pensée allemande du Technik à la toute fin du XIXe siècle, où il s'agit non pas d'étudier de loin les procédés de fabrication mais d'exprimer une logique propre au progès industriel, incarnée dans la culture de l'ingénierie. Le gallicisme technique n'étant pas approprié (l'anglais le réservant au geste de l'artiste), les auteurs qui en économie politique poursuivent la réflexion sur le Technik en viennent, faute de mieux, à se réapproprier le terme de technology : c'est le cas notamment d'un penseur post-marxiste imprégné de darwinisme social, Thorstein Veblen, qui veut voir dans la technology un élan instinctif et positif de l'humanité, susceptible cependant d'être détourné par ce qu'il nomme les institutions pécuniaires pour former le capitalisme.

Le terme est repris par ses successeurs, qui abandonnent la critique marxiste du capitalisme industriel et font du mot technology un synonyme du progrès technique, de l'avancée de la domination humaine sur le monde matériel.

Et nous, alors ?

L'artice ne s'intéresse pas aux évolutions ultérieures du mot, encore moins à la tension qui s'exerce sur le terme « technologie » dans les autres langues, et par exemple en Français. Pourtant, il y aurait beaucoup à dire : l'opposition entre les mots « technique » et « technologie » est au cœur de la réflexion sur les faits techniques qui se développe en France dans les années 60 et 70 - c'est même le titre d'un recueil de textes édité par Jacques Guillerme en 1973. La période est, il est vrai, marquée par le linguistic turn et le srtucturalisme : on aime échaffauder sa pensée sur des sortes de paires critiques, lexique/syntaxe, métaphore/métonymie, bricoleur/ingénieur (j'en reparlerai, de celle-là)... et, donc, technique/technologie, pour ceux qui daignent s'intéresser à ces sujets.

Dans ce cas, et contrairement à ce qu'on a observé dans la langue anglaise, le sens du mot « technologie » est rigoureusement cantonné à celui d'un discours de type scientifique sur les procédés techniques. L'influence immédiate et déterminante d'une telle technologie sur l'amélioration des procédés techniques semblent avoir été considéré comme allant de soi, ce qui ne me semble pas si évident. Du coup, les écueils sont nombreux : gradisme assez primaire qui verrait une ère technologique de la science appliquée à la productionse remplacer une ère technique de la routine ignorante ; déterminisme à l'emporte-pièce pour qui la naissance d'un discours technologique engendre, presque automatiquement, l'ère industrielle - l'introduction de Technique et technologie de Jacques Guillerme manque singulièrement de prudence sur ces deux fronts. Finalement, en prenant comme point de départ l'opposition technique/technologie, on risque fort, comme à l'auberge espagnole, de manger ce qu'on avait amené : le lien organique que postule l'acception que l'on a dite du mot « technologie » entre savoir savant et changement technique. Lien qui mériterait plus ample discussion.

Technologie, technologies

Et cependant, la langue a évolué. En français comme en anglais, le terme a évolué : pour la grande majorité des gens, le terme de technologie ne désigne plus un discours ou un savoir sur la technique mais un ensemble cohérent de dispositifs techniques. L'évolution n'est pas inhabituelle, voyez psychologie. L'usage est même parfaitement officiel ; il n'y a pas si longtemps que, dans ma profession, le ministère nous bassinait sur les « nouvelles technologies de l'information et de la communication » - le top, c'était d'être chargé de mission NTIC, très bien sur les cartes de visites. Jusqu'à ce qu'on se rende compte que ça n'avait plus grand chose de nouveau.

On peut bien sûr rejeter cette acception de technologie comme un anglicisme - ce qu'elle est en partie. Reste qu'en misant gros sur l'opposition lexicale technique/technologie, les historiens et penseurs des techniques francophones prennent un risque, croissant : celui de n'être compris ni de leurs contemporains, ni de leurs collègues étrangers. Ou de consacrer, à justifier leur emploi du terme, un temps qui pourrait sans doute être mieux employé.