Tous ces derniers vendredis, j'ai commencé une activité devant laquelle j'avais reculé depuis plusieurs années : le dépouillement systématique d'une série intimidante par son volume. Il s'agit de gros registres (cf. ci-contre le volume 3...) comportant, par trimestre, les copies de lettres envoyées par le ministère de la Marine en ce qui concerne la fabrication d'artillerie.
En fait, c'est un peu plus compliqué que ça : la série commence sous la Convention, en l'an III, avant que les ministères ne soient reconstitués - ils le sont peu après l'élection du directoire exécutif, en brumaire an IV. Les deux premiers volumes sont donc la correspondance des commissions qui préfigurent les ministères de l'an IV, mais en ce qui me concerne, ça ne change pas grand chose. Quant au calendrier républicain, c'est plutôt une simplification : on s'y fait très rapidement ; finalement, c'est à se demander pourquoi on ne l'a pas garder, ce brave calendrier... Un peu de calcul mental pour savoir si on est sous la neige ou en pleine canicule, et on s'y retrouve très bien.
Ce qui est nouveau pour moi, c'est l'échelle de travail : parcourir méthodiquement des milliers et des milliers de page, en extraire l'information pertinente, en sachant qu'on prend des trucs qui ne serviront pas et qu'on en laisse passer dont on aura peut-être besoin un jour - à tout le moins, on essayera de se souvenir que c'est là.
Je ne fais pas d'histoire quantitative ; il ne s'agit donc pas de remplir une base de donnée en espérant pouvoir collecter des données suffisament homogènes pour avoir des statistiques significatives. Je ne dis pas que ce n'est pas une approche valable : simplement, ce n'est pas la mienne. J'essaye de repérer des connexions, des éléments qualitatifs pour comprendre les processus de production, les rapports entre l'État et les producteurs d'artillerie, les non-dits de ces rapports... Plus concrètement, je photographie ce qui m'intéresse et je le note en quelques mots sur une fiche, histoire d'y retrouver mes petits. Inutile de dire que j'en fait des tonnes, de photos : j'ai deux batteries pour l'appareil photo, trois ou quatre cartes mémoires, et ça tourne ! Disons une photo toutes les deux ou trois minutes en moyenne, faut aussi le temps de les lire, les documents. Et le propre des minutes, c'est que ce sont des documents à usage uniquement interne : les commis ne soignent donc pas forcément leur écriture, sans compter qu'ils utilisent fréquemment le registre de minutes comme brouillon avant de rédiger la lettre elle même. Sur les quatre ou cinq écritures que je rencontre dans ces registres, il y en a une qui est presque illisible, deux ou trois plutôt lisibles et une parfaite - mais c'est celle qui revient le moins souvent. Par chance, la moins lisible traite essentiellement de questions qui ne me concerne pas.
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Ce que permet ce travail méthodique, par opposition au picorage (parfois assez systématique, tout de même) qui était mon mode de fonctionnement dominant, c'est que ça permet de raccorcher à un fil conducteur des documents que l'on avait rencontré par ailleurs, de les réinsérer dans une trame plus large. L'inconvénient, bien sûr, c'est le temps que ça prend : je fais un ou deux volumes par séance, deux et demi en faisant une très grosse journée, et il y en a quatre par ans. Sachant qu'il faut au minimum que je consulte les huit premières années de la série, ce n'est pas gagné !
2 commentaires:
je n'ai pas fait assez d'histoire pour connaître vraiment cela..;mais le peu que j'ai fait men a donné une idée...Cela peut être passionant comme franchement euh...embêtant, le dépouillage systématique (je sais, ça fait carrement avancer le schmilblick, comme réflexion)
c'est assez largement ni l'un ni l'autre: d'un côté, on trouve quelques trucs intéressants; de l'autre, on regarde défiler les pages comme le cancre regarde les minutes défiler sur l'horloge de la salle de classe!
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